AUJOURD´HUI À GAZA, LA SEULE VIOLENCE EST ISRAÉLIENNE
Pr Christophe Oberlin et Christophe Denantes
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Le
Pr Christophe Oberlin et le Dr Christophe Denantes viennent d’effectuer,
avec le Dr Olivier Mares et l’infirmière Faouzia Yagoubi, une nouvelle
mission chirurgicale (diagnostic, opérations, enseignement) à Gaza entre le
1er et le 8 juillet, à l’Hôpital Nasser de Khan Younes.
Cette mission était prise en charge par l’association
Palestinian Children Relief Fund.
Ils ont assisté le Dr Mohamed Rantissi, spécialisé en reconstruction
chirurgicale, qui effectue désormais une centaine d’interventions
chirurgicales par an, et le Pr.
Oberlin a dispensé 17 H de cours sur la chirurgie de la main à des étudiants
palestiniens.
Ils ont également eu l’occasion de rencontrer différents responsables au
cours de leur séjour, parmi lesquels le Premier ministre Ismael Hanyeh, le
Vice-Président du Parlement, Ahmed Baher, et le ministre de la santé, le Dr
Bassaine Naheen.
Ils ont rendu visite au caméraman palestinien Imhad Ghanem, amputé des deux
jambes à l’hôpital Shifa, après avoir été mitraillé par des soldats
israéliens alors qu’il était à terre.
Ils nous livrent ci-dessous leurs observations, qui diffèrent sensiblement
de ce qui est rapporté dans les médias.
Le passage d’Erez, à l’entrée nord de la bande de Gaza, constitue le
prototype de l’architecture évolutive. Pour y être passés une douzaine de
fois, les modifications avec force de béton, acier, fils de fer, verre
blindé, constituent une surprise renouvelée à chaque passage. Que d’inventivité
dans ces tourniquets, portes ouvrantes ou coulissantes, sous le regard
omniprésent des caméras et sous la dictée des hauts parleurs.
Cette fois ci, ils ont fait fort : un énorme bâtiment, genre
hall d’aérogare, fraîchement climatisé, éblouissant d’éclairages.
A ceci près qu’il est vide, malgré la dizaine de guichets,
ressemblant chacun à une sorte de fourgon blindé. Les préposés qui les
habitent sont les habituelles jeunes filles post adolescentes qui
plaisantent entre elles comme toutes les jeunes filles du monde. Sauf que
certaines savent à peine lire les caractères latins de nos pièces d’identité,
et ne font manifestement pas la différence entre un nom et un prénom
occidental. Sauf qu’elles aboient peu élégamment dans les micros, nous
interdisant de nous asseoir à tel endroit, comme de sortir un cahier pour y
écrire : « il est défendu d’écrire ». Peut-on parler ? demande l’un d’entre
nous. Oui, réponse à regret. Note de faciès ou d’origine, notre infirmière
au nom magrébin sera bloquée 48h par ces charmantes jeunes filles.
L’équipe, privée de son infirmière, finit par passer : on jette alors avec
nous dans le labyrinthe de sas, portes blindées (plusieurs centaines de
mètres), un Palestinien dont on enlève au dernier moment les menottes, sous
la menace de deux fusils israéliens : l’homme, docile, émet quelques sons :
c’est un sourd muet, expulsé dans la bande de Gaza.
Au sortir du labyrinthe, les cahutes qui faisaient office de poste d’entrée
en territoire palestinien ont disparu, totalement rasées, tandis que la
route a été détruite sur plusieurs centaines de mètres. Nous escaladons les
décombres dans la nuit, guidés au loin par la loupiote du taxi qui nous
attend.
Pendant notre semaine de travail, opérations chirurgicales et cours de
chirurgie, examen de microchirurgie, pas un coup de feu. Un silence ici rare,
et même exceptionnel . Les rues sont pleines, les bords de mer accessibles.
Les écoles y pique-niquent, des cabanons sont ouverts au bord de la plage .
Des enfants sortent de l’eau pour nous saluer.
Pas de survols ni de tirs nocturnes, on dort, la pression est faible. On
dîne les uns chez les autres. Nous rendons visite à notre ami, dont le fils
de 20 ans, Amer, a été assassiné il y a 3 semaines. Sa fille de onze ans ne
le quitte pas une seconde.
Notre travail, depuis cinq ans maintenant, est apprécié de tous.
On nous le fait savoir. Certains traversent la rue pour nous
serrer la main.
Les discours de remerciement n’en finissent plus lors des réceptions chez
les notables. Cette fois ci, c’est le premier ministre lui-même qui nous
reçoit, accompagné du vice président du parlement (le président, comme 43
députés, est dans les prisons israéliennes).
Des messages très clairs nous sont adressés : les étrangers, notamment les
humanitaires, sont les bienvenus, et leur sécurité est désormais assurée. Le
gouvernement entend respecter strictement sa constitution et ses lois : le
parlement est empêché se siéger, et personne ne peut se substituer à lui.
Il ne doit pas y avoir de rupture entre Gaza et la Cisjordanie, en tous cas
par les Palestiniens, et le conflit avec le président doit trouver une
solution négociée. Certains documents saisis doivent y aider. « Abou Mazen
est dans un arbre que nous secouons et il ne va pas tarder à tomber » !
Pendant l’entretien nous assistons à la télévision au spectacle navrant du
cameraman de la télévision palestinienne objet de tirs répétés, appuyés,
d’un soldat israélien, alors qu’il est à terre, sa caméra a roulé loin de
lui. Les secours sont bloqués par l’armée israélienne. Cette scène,
habituelle, est cette fois ci filmée : l’opinion saura-t-elle s’en émouvoir
? Nous rendrons visite au blessé, dans son lit d’hôpital, amputé des deux
jambes. 23 ans, il avait trouvé ce job depuis 5 mois.
Nous arrivons à Gaza après une période de violence aigue
entre policiers « Fatah » et « Hamas ». Nous avions été témoins de ces
affrontements il y a quelques mois. Le paroxysme a été atteint Il y a
quelques semaines. Nos interlocuteurs nous expliquent que 3 jeunes
sympathisants du Hamas ont été kidnappés par les « policiers Fatah » et
assassinés. On nous montre un poste militaire protégé par des blocs de béton
et des sacs de sable installés dans un quartier ou vivaient des
sympathisants adverses. Ce poste a été conquis par le Hamas.
Le blindé, dont on peut se demander comment il a pu être introduit, sinon
avec l’aide des Israéliens, soulignent nos accompagnateurs, est toujours là,
mais totalement détruit. Le bastion conquis par le Hamas a été, nous dit-on,
bombardé dans les heures qui ont suivi par un avion israélien. Nous voyons
les différents postes des « policiers Fatah », en voie de démantèlement. Des
documents compromettants pour l’autorité palestinienne auraient été trouvés.
Ils sont actuellement « classifiés », et seront utilisés le
moment venu.
On nous parle de l’avenir proche. Des salaires seront versés. Effectivement,
le lendemain les employés de l’hôpital recevront leur salaire. Avec toujours
un arriéré de quinze mois pour certains. La nourriture est toujours là.
Israël --en fait des agriculteurs et commerciaux privés-- s’emploie à
écouler ses produits dans la bande de Gaza.
Les
Palestiniens ont négocié « le blé d’abord », les primeurs ensuite. Il y a
toujours de l’essence et de l’électricité.
Le journaliste anglais est libéré, satisfaction visible sur
tous les visages.
Le
même jour, notre infirmière est « libérée par les Israéliens » : on
plaisante ...
Rumeur inquiétante : Israël imposerait le passage des Palestiniens non plus
à Rafah, sous supervision européenne, les Israéliens visualisant seulement à
distance les documents des voyageurs, mais à Kerem Shalom, en territoire
israélien.
En contradiction complète avec les accords signés lors de
l’évacuation des colonies de Gaza.
On
nous dit que 6 000 palestiniens attendraient en Egypte de pouvoir rentrer à
Gaza. 2 000 seraient susceptibles d’être arrêtes par les Israéliens.
Eventualité inenvisageable : on parle d’une ouverture du passage de Rafah
par la force. Avec quelles conséquences ?
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